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« Dispute Management » dans le cadre des grands programmes de transformation, ou comment remettre sur les rails un projet en difficulté.

Le « Dispute Management » c’est l’art de gérer à la fois les aspects opérationnels et contractuels des grands programmes de transformation, en particulier ceux gérés au forfait, pour éviter les contentieux et retrouver une situation saine et harmonieuse.

Renaud Lardier, Directeur Associé chez DEKKHA Consulting et Antoine Briand, fondateur du cabinet A&A associés et expert en Achats raisonnés, nous donnent leur vision du sujet.

Comment définiriez-vous le « Dispute Management » ? 

  • Antoine Briand : En français, nous parlerons de « gestion de différends », ou de « gestion de litiges » au sens large, généralement entre un donneur d’ordre et un prestataire. Cela rassemble toutes les actions que peuvent mener les parties prenantes pour rétablir une prestation ou pour mieux gérer la fourniture d’un service, avant d’entamer des démarches plus coercitives (pénalités – si prévues dans le cadre contractuel – recours à un arbitre ou à un médiateur, voire résiliation du contrat).
  • Renaud Lardier : En effet, la gestion de ces différends peut concerner à la fois le planning, le périmètre technique ou fonctionnel d’un projet, les compétences ainsi que le niveau d’expertise de l’équipe projet mobilisée, ou encore le contenu de la solution logicielle, etc. Dans ce type de démarche nos clients souhaitent disposer d’éléments factuels et argumentés leur permettant de défendre leurs intérêts financiers auprès de leurs partenaires, tout en garantissant la bonne fin du programme objet du litige. L’argumentaire et le plan d’actions associé s’appuient principalement sur : 
    • Les engagements contractuels pris initialement par les partenaires pour la construction des solutions : planning et jalons, périmètre ou fonctionnalités mises à disposition, budget et niveaux de services associés, etc.
    • La réalité opérationnelle, intégrant les éventuels ajustements de périmètres et de planning ainsi que les concessions qui ont déjà pu être faites en vue d’assurer la bonne fin du programme.

Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en œuvre dans ce type de projet ?

  • Renaud Lardier : Il y a clairement plusieurs aspects à mettre en avant : 
    • Associer les Achats très opérationnellement et ne pas limiter leur rôle à la construction du contrat et à la phase de négociation commerciale, c’est d’ailleurs pour cela que nous travaillons ensemble, Antoine et moi-même,
    • Intégrer le pilotage des risques dès le début du projet voire la construction du plan d’assurance qualité avec les prestataires externes et anticiper les actions de mitigation,
    • Sensibiliser l’équipe de pilotage du programme aux engagements contractuels qui ont été pris : périmètre, engagements mutuels, niveaux de services et pénalités associées. Cela peut passer par l’organisation d’une séance de présentation aux acteurs du projet dès la phase de démarrage. Cette action semble plutôt à faire piloter par les Achats.
  • Antoine Briand : Oui, tu as complètement raison. Je pense également qu’il est nécessaire de s’efforcer de signaler et de documenter les points de difficultés sur le projet : les remonter au cours des instances de gouvernance, mettre en avant les risques associés et mettre en place des plannings de « remédiation » avec les prestataires, mentionner tous les points dans les supports de ces instances et les comptes-rendus. J’ajouterais que derrière les entreprises et les contrats qui sont mis en place, il y a avant tout des hommes qui travaillent. On a toujours le droit de ne pas être d’accord, de ne pas avoir le même point de vue car on ne défend pas toujours les mêmes objectifs et intérêts. Pour autant, avant de prendre des décisions trop radicales, je préconise toujours à mes clients de comprendre les situations, les contextes, ainsi que les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés à ce point.

« Derrière les entreprises et les contrats qui sont mis en place, il y a avant tout des hommes qui travaillent »

Y’a-t-il des spécificités liées à la situation actuelle de crise sanitaire et de relance économique ? 

Renaud Lardier : Probablement que la seule particularité contextuelle du moment, c’est la prudence des grandes sociétés dans la réalisation de leurs projets. Bien souvent, je me suis retrouvé à intervenir auprès de décideurs ayant une approche privilégiant les scénarios limitant ou étalant systématiquement le « cash out ». Les projets sont aujourd’hui pilotés dans une logique de limitation des sorties de trésorerie, et d’étalement. C’est ce qu’on appelle la maitrise du risque financier. La situation actuelle a significativement exacerbé ce point.

« Bien souvent, je me suis retrouvé à intervenir auprès de décideurs ayant une approche limitant ou étalant systématiquement le « cash out »

Quelles sont les compétences attendues pour accompagner nos clients dans ce type de démarche ?

  • Renaud Lardier : Les clients – en faisant appel à nos services – attendent surtout un savoir-faire dans l’analyse et le décryptage des contrats de type « intégrateur » et « éditeur », permettant d’avoir une vision fine en termes de risques contractuels et d’activation des clauses de responsabilité, de pénalités et de sortie si cela s’avérait nécessaire. Grâce à une connaissance approfondie des pratiques des grands intégrateurs et des éditeurs de solutions logicielles, et une grande expérience opérationnelle en immersion au sein des équipes client, ils cherchent à obtenir le bon niveau de diplomatie, et une capacité à rendre compte au niveau Direction Générale.
  • Antoine Briand : J’ajouterai aussi qu’ils nous demandent beaucoup de rigueur et de fermeté, les indicateurs de suivi devant être limpides et ne doivent pas laisser place à l’interprétation des phases de Build ou de Run. Néanmoins, paradoxalement, cela requiert également beaucoup d’agilité. Le temps passé à gérer les litiges ne permet pas forcément de se concentrer sur l’essentiel : faire avancer le projet. La capacité des équipes à être agiles dans cette résolution de différend, pour se concentrer sur le budget et le planning, c’est la priorité.

En conclusion, quels sont, selon vous, les facteurs clefs de succès pour ce type de projet » ? 

  • Antoine Briand : Les seuls projets informatiques au forfait que j’ai vu atterrir dans les délais et budgets prévus initialement sont ceux pour lesquels les deux Parties étaient pleinement investies, avec des chefs de projets compétents et à l’écoute et pour lesquels l’agilité, la réactivité ont été de mise. Je pense également qu’il faut dépassionner les débats et qu’un regard « extérieur », plus pragmatique et probablement moins dans l’affect est indéniablement un avantage. Un partenaire tiers peut donc être très utile pour gérer ce type de conflits.
  • Renaud Lardier : Je pense en effet que l’on peut résumer les facteurs clefs de succès de la façon suivante : 
    • Un réel pilotage, avec des instances qui jouent pleinement leur rôle d’analyse des risques et de gestion du processus d’escalade dans une logique « Tour de contrôle ».
    • La mise en œuvre d’une complémentarité des experts Achats & Projet pour une étude exhaustive des problématiques.
    • Le recours à des experts externes qui vont être en mesure de dépassionner le débat et de mettre en œuvre une analyse factuelle & objective.

Antoine Briand, fondateur du cabinet A&A associés est expert en Achats raisonnés. Après 17 années d’expérience au sein de grands groupes internationaux il pilote désormais des projets de « dispute management » et d’optimisation des dépenses via la définition d’une stratégie ad hoc puis sa mise en œuvre opérationnelle

Directeur Associé & co-fondateur de DEKKHA Consulting, Renaud Lardier dispose d’une très large expérience de gestion de grands projets de transformation en mode « forfait ». Il a mené avec succès plusieurs missions de Dispute Mangement pour des programmes allant de 20 à 50 millions d’Euros.

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